Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/122

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mon écritoire n’est pas encore fermée, il reste à y placer cette lettre. » Et la jetant sur la table, je l’accablai des reproches les plus amers.

« Soit prudence, soit honte, ou conscience de ses torts, M. Fitz-Patrick, quoique le plus violent des hommes, ne s’emporta point. Il s’efforça, au contraire, de m’apaiser par la douceur ; il désavoua hautement la phrase dont il me voyoit le plus courroucée, et jura qu’il n’avoit jamais rien écrit de semblable. Il convint qu’à la vérité il avoit parlé de son mariage, et de la préférence qu’il me donnoit sur ma tante ; mais il nia avec mille serments, qu’il en eût allégué cet indigne motif. Il s’excusa de son indiscrétion sur un pressant besoin d’argent occasionné, disoit-il, par l’abandon où il avoit laissé trop long-temps ses biens d’Irlande. Cet embarras, dont il n’avoit pu se résoudre à me faire l’aveu, étoit, ajouta-t-il, l’unique raison de ses vives instances pour notre départ. Il m’adressa ensuite les discours les plus tendres, me fit mille caresses passionnées, et autant de protestations d’amour.

« Une circonstance qu’il omit de relever, me parut d’un grand poids en sa faveur. Il étoit question de douaire dans la lettre du tailleur : or, M. Fitz-Patrick savoit fort bien que ma tante n’avoit jamais été mariée. M’imaginant que cet homme s’étoit exprimé ainsi, d’après ses propres