Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

conjectures, ou sur quelque ouï-dire, je me persuadai que l’odieuse phrase pouvoit bien aussi ne pas avoir de fondement plus solide. Quelle logique ! ma chère ; j’étois plutôt son avocat que son juge ! Mais pourquoi chercher à justifier ma foiblesse ? Mon mari, eût-il été vingt fois plus coupable encore, la moitié de la tendresse qu’il me témoigna lui auroit suffi pour obtenir son pardon. Je ne m’opposai plus à sa volonté, nous partîmes dès le lendemain, et huit jours après nous arrivâmes à l’habitation de M. Fitz-Patrick.

« Vous me dispenserez de vous raconter les détails de notre voyage ; le récit en seroit aussi ennuyeux pour vous que pour moi.

« Si j’étois dans un de ces accès de gaîté où vous m’avez vue si souvent, je pourrois vous décrire d’une manière assez plaisante, l’antique manoir de M. Fitz-Patrick. Il paraissoit avoir servi jadis de demeure à un gentilhomme. La place n’y manquoit pas, et d’autant moins que les meubles n’en occupoient guère. Une vieille femme qu’on eût dit contemporaine de l’édifice, et qui ressembloit fort à celle dont parle Chamont dans l’Orpheline, nous reçut à la grille, et dans un jargon aussi rude qu’inintelligible pour moi, complimenta son maître sur son heureuse arrivée. Cette scène grotesque me causa une grande tristesse. Mon mari s’en aperçut. Au lieu