Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/128

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La dame mariée paraissoit moins touchée de ses infortunes que sa cousine. Elle mangeoit de très-bon appétit, tandis que l’autre pouvoit à peine avaler un morceau. Sophie laissoit voir sur son visage beaucoup d’agitation et de tristesse. Mistress Fitz-Patrick s’en aperçut, et l’engagea à prendre courage : « Qui sait, dit-elle, si tout ne finira pas mieux que ni vous, ni moi ne l’espérons ? »

L’hôte brûlant d’envie de parler, n’en laissa pas échapper une si belle occasion. « Je suis fâché, dit-il, de voir que milady ne mange point ; car sûrement elle doit avoir grand’faim, après un si long jeûne. J’espère qu’elle est sans inquiétude ; comme dit milady son amie, tout peut finir mieux qu’on ne s’y attend. Un homme que j’ai vu tout à l’heure vient d’apporter d’excellentes nouvelles. Des gens qui ont eu l’adresse d’en éviter d’autres, pourront arriver à Londres avant d’êtres rattrapés ; et dans ce cas, je ne fais aucun doute qu’ils n’y soient très-bien reçus. »

Quiconque a l’esprit frappé de l’idée d’un danger, rapporte tout ce qu’il voit et tout ce qu’il entend au sujet de ses alarmes. Sophie conclut du discours de l’hôte qu’elle étoit connue dans l’auberge, et poursuivie par son père. Elle en pâlit d’effroi et perdit pendant quelques minutes l’usage de la parole. Dès qu’elle l’eut recouvré,