Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/129

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elle pria l’hôte de faire sortir ses domestiques, et s’adressant à lui : « Je vois, dit-elle, que vous savez qui nous sommes ; mais si vous êtes capable de compassion, d’humanité… au nom du ciel, ne nous trahissez pas !

— Moi trahir milady ! s’écria l’hôte avec un serment énergique ; non assurément, je me laisserois plutôt mettre en pièces. Je hais la trahison. Jamais je n’ai trahi personne, et certes je ne commencerai pas par une aussi aimable dame que vous. Je ferois d’ailleurs, au jugement de tout le monde, une grande sottise, puisqu’il sera sitôt en votre pouvoir de me récompenser. Ma femme est témoin que j’ai reconnu milady, dès son arrivée. J’ai dit que c’étoit elle, avant de l’avoir aidée à descendre de cheval, et je porterai jusqu’au tombeau la marque des contusions que j’ai reçues à son service ; mais qu’importe, puisque j’ai eu le bonheur de lui sauver la vie ? Il est vrai que ce matin, quelques personnes auroient pu se laisser tenter par l’appât d’une récompense ; mais je suis incapable d’une pareille infamie. J’aimerois mieux mourir de faim, que de recevoir de l’argent pour trahir milady.

— Soyez sûr, monsieur, lui répondit Sophie, que s’il est jamais en mon pouvoir de vous récompenser, vous n’aurez point à regretter votre générosité.