Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/130

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— Bonté divine, en votre pouvoir ! oh ! milady, fasse le ciel que vous en ayez la volonté aussi bien que le pouvoir. Ce que je crains, c’est que milady n’oublie un pauvre aubergiste comme moi ; mais si elle daigne ne point m’oublier, je la supplie de se souvenir de la récompense que j’ai refusée… Quand je dis refusée, c’est tout comme, puisqu’il ne tenoit qu’à moi de la gagner, et milady auroit pu tomber dans certaines maisons… Quant à moi, je ne voudrois pas pour tout l’or du monde que milady me fît l’injure de croire que j’aie eu dessein de la trahir, même avant d’apprendre les bonnes nouvelles…

— Quelles nouvelles, je vous prie ? dit Sophie avec vivacité.

— Milady ne les sait pas ? Cela se peut ; car je ne les sais moi-même que depuis quelques minutes. Mais les eussé-je ignorées, le diable m’emporte, si j’aurois songé à trahir milady. Oui, si la pensée m’en étoit venue, que l’enfer… » Il proféra ici plusieurs imprécations effroyables. Sophie l’interrompit et le pressa de nouveau de lui apprendre ses nouvelles.

L’hôte alloit répondre, quand mistress Honora entra dans la chambre, pâle et sans haleine. « Mademoiselle ! mademoiselle ! s’écria-t-elle, nous sommes perdues. C’en est fait de nous, ils sont arrivés ! ils sont arrivés ! »