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et cette occupation m’empêchoit de succomber sous le poids de mes ennuis.

« J’avois passé trois mois dans une pénible retraite, ne voyant que les domestiques qui me servoient, et quelques voisins de loin en loin, lorsqu’une jeune dame, parente de mon mari, arriva chez moi de l’extrémité de l’Irlande. C’étoit la seconde visite qu’elle me faisoit. La première fois, elle n’étoit restée qu’une semaine ; je l’avois fort engagée à revenir. Elle étoit d’un commerce agréable, et joignoit aux plus heureux dons de la nature les avantages d’une éducation soignée. Je la reçus avec joie.

« Cette jeune dame ne tarda pas à s’apercevoir de ma profonde tristesse. Sans m’en demander la cause, qui lui étoit bien connue, elle se mit à plaindre ma destinée. Elle me dit que, malgré le silence que j’avois gardé par discrétion, sur les mauvais procédés de mon mari, ses parents ne les ignoroient pas ; qu’ils en ressentoient un vif chagrin, mais que personne n’y étoit plus sensible qu’elle. Elle s’étendit là-dessus assez longuement en termes généraux, que j’approuvai, loin de les démentir. Enfin, après beaucoup de précautions oratoires, elle m’apprit, sous le sceau du secret, que mon mari entretenoit une maîtresse.

« Vous vous imaginerez sans doute que j’ap-