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pris cette nouvelle avec la plus grande indifférence. Si vous le croyez, je vous jure que votre imagination vous trompe. Le mépris n’avoit pas tellement éteint ma haine pour mon mari, qu’elle ne se rallumât dans cette occasion. D’où vient une telle bizarrerie ? Sommes-nous assez égoïstes pour nous affliger de voir en la possession d’un autre, l’objet même que nous méprisons ? Ou plutôt ne sommes-nous pas horriblement vaines ; et je vous le demande, ma chère, est-il pour notre vanité un plus sanglant outrage, que l’infidélité d’un mari ?

— Je l’ignore, en vérité. Je ne me suis jamais livrée à ces hautes méditations. Mais, à mon avis, votre parente eut grand tort de vous confier ce secret.

— Et cependant, rien n’étoit si naturel que sa conduite. Vous en serez convaincue, quand vous aurez autant de lecture et d’expérience que moi.

— Je suis fâchée de vous entendre parler ainsi. Je n’ai besoin ni de lecture, ni d’expérience pour me convaincre du contraire. Il y a certainement aussi peu de délicatesse et de bonté d’ame, à instruire un mari, ou une femme de leurs torts réciproques, qu’à leur reprocher en face leurs défauts personnels.

— Eh bien ! mon mari revint ; et si je ne m’abuse, je le détestai plus que jamais, et je le mé-