Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/143

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prisai un peu moins. Rien n’affoiblit tant le mépris, qu’un affront fait à l’orgueil, ou à la vanité.

« M. Fitz-Patrick, au retour de son voyage, changea tout-à-fait de conduite à mon égard. Il se montra aussi galant, aussi empressé, que dans les premiers jours de notre union ; et s’il m’étoit resté au fond du cœur une étincelle d’amour pour lui, mon ancienne flamme se seroit peut-être ranimée ; mais quoique la haine puisse succéder au mépris, et quelquefois en triompher, je ne pense pas qu’il en soit de même de l’amour. Cette passion inquiète et jalouse ne sauroit se passer de retour ; et il est aussi impossible d’avoir un cœur tendre, sans aimer, que des yeux, sans voir. Lors donc qu’un mari cesse d’être l’objet de votre affection, il est très-probable qu’un autre homme… Je dis, ma chère, que lorsqu’un mari vous devient indifférent, si une fois vous le méprisez, je dis… C’est-à-dire, si vous avez le cœur sensible… Miséricorde ! je m’embrouille. L’enchaînement des idées, comme dit M. Locke, se perd si aisément dans les matières abstraites ! Bref, la vérité est… Bref, je ne sais où j’en suis. Comme je le disois, je crois, mon mari revint. Sa conduite me surprit beaucoup, au premier abord ; mais elle lui étoit inspirée par une raison que je pénétrai bientôt, et qui me dispensa de toute reconnoissance. Il avoit mangé, ou perdu