Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/147

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

je m’abandonnois au plus affreux désespoir… tout devient excusable, en pareille circonstance… dans ce moment, dis-je, je reçus… mais il faudroit une heure pour vous conter la chose en détail : en un mot, car je ne veux pas épuiser votre patience, l’or, cette clef de toutes les portes, m’ouvrit celle de ma prison, et me rendit la liberté.

« Je me hâtai de gagner Dublin, où je m’embarquai pour l’Angleterre. Je me rendois à Bath, dans le dessein de me mettre sous la protection de ma tante, de votre père, ou de quelque parent qui consentît à me recevoir. Mon mari a failli me rattraper la nuit dernière à l’auberge où j’étois couchée, et que vous aviez quittée peu de minutes avant moi. J’ai eu le bonheur de lui échapper et de vous suivre. Ainsi, ma chère, finit mon histoire, histoire assurément bien tragique pour moi, et peut-être néanmoins si dénuée d’intérêt pour vous, que je vous dois des excuses de l’ennui qu’elle a pu vous causer. »

Sophie poussa un profond soupir. « En vérité, ma chère Henriette, répondit-elle, je vous plains de toute mon ame ; mais que pouviez-vous espérer d’un semblable mariage ? Pourquoi épouser un Irlandois ?

— Avec votre permission, ma cousine, cette réflexion est injuste. Il y a parmi les Irlandois,