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de chiens courants qu’on vient de découpler, aussi aigre que le miaulement des chats dans leurs combats amoureux, aussi perçant que les âcres accents de la chouette, ou plutôt (car quel cri d’animal peut se comparer à la voix humaine ?) un bruit pareil aux sons aigus qui, dans l’odorant bazar dont la porte[1] semble emprunter son nom d’une duplicité de langues, sortent de la gorge et quelquefois des narines de ces nymphes appelées jadis naïades, et connues aujourd’hui sous la dénomination vulgaire de poissardes. Quand, dès l’aube du jour, elles ont remplacé l’ancien usage du lait, ou du miel, par une copieuse libation d’eau-de-vie, si quelque audacieux s’avise de déprécier l’huître grasse et délicate, la plie ferme et fraîche, le carrelet qui sort de l’eau, la morue naguère en vie, la carpe qui frétille encore, ou tout autre trésor tiré du sein de l’Océan et des fleuves, nos naïades courroucées élevant leurs voix immortelles, assourdissent le profane par leurs clameurs, et l’inondent d’un torrent d’injures.

Tel fut le bruit qui éclata d’abord au rez-de-chaussée, comme un tonnerre lointain, puis s’approcha peu à peu, et montant par degrés, péné-

  1. Bilingsgate, bilinguis porta, porte de deux langues. Le marché aux poissons de Londres est construit à l’endroit où se trouvoit autrefois cette porte.Trad.