Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/151

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tra dans la chambre des deux voyageuses. Pour parler sans métaphore, Honora, après avoir crié, tempêté en bas et tout le long de l’escalier, entra furieuse chez sa maîtresse. « Mademoiselle, s’écria-t-elle, l’auriez-vous imaginé ? Croiriez-vous que l’insolent aubergiste a eu l’effronterie de me dire, de me soutenir en face que vous étiez cette dévergondée, cette coquine de Jenny Cameron, comme on l’appelle, qui court le pays avec le prétendant ? Le maraud ose même assurer que vous en êtes convenue ; mais il se souviendra de moi. Son impudente face gardera long-temps l’empreinte de mes ongles. Bélître, lui ai-je dit, ma maîtresse n’est pas faite pour un aventurier. Il n’y a pas dans le comté de Somerset une jeune personne plus belle, plus noble, plus riche qu’elle. Misérable ! n’avez-vous jamais entendu parler de l’illustre écuyer Western ? Eh bien ! c’est sa fille unique, c’est l’héritière de ses vastes domaines. Un faquin traiter ma maîtresse de coureuse écossaise ! Vive Dieu ! je regrette de ne lui avoir pas cassé la tête avec le bowl de punch. »

Sophie fut très-fâchée que l’indiscrète colère d’Honora eût trahi le secret de son nom. Cependant comme la méprise de l’hôte expliquoit assez les propos qu’elle avoit d’abord mal interprétés, elle se rassura bientôt, et ne put se défendre de sourire. Cette apparente indifférence redoubla la