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fureur d’Honora. « En vérité, mademoiselle, dit-elle, je ne croyois pas qu’il y eût là de quoi rire. Être traitée de coquine par un drôle, cela n’est pas plaisant ! Au surplus, je ne m’étonne pas que mademoiselle me sache mauvais gré d’avoir pris sa défense. Un service rendu plaît moins qu’il ne blesse. Quoi qu’il en soit, je ne laisserai jamais insulter mes maîtresses. Je suis sûre que mademoiselle est une des jeunes personnes les plus vertueuses qu’il y ait en Angleterre, et j’arracherai les yeux au premier qui osera prétendre le contraire. Je défie qui que ce soit de dire le moindre mal d’aucune des dames que j’ai servies. »

Hinc illæ lacrymæ[1]. Honora n’avoit pas plus d’attachement pour Sophie, que la plupart des domestiques n’en ont pour leurs maîtres ; mais elle défendoit, par orgueil, l’honneur de la personne qu’elle servoit, s’imaginant que le sien en dépendoit. Dans son opinion, la considération qu’obtenoit la maîtresse rejaillissoit sur la suivante, et l’on ne pouvoit rabaisser l’une, sans humilier l’autre.

À ce sujet, lecteur, nous te conterons une petite historiette. La fameuse Nell Gwynn[2] sortant un jour d’une maison, où elle avoit fait une vi-

  1. De là ces larmes.
  2. Maîtresse de Charles II.Trad.