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peler ainsi son eau-de-vie de grains) avoit ôté à la pauvre fille, déjà excédée de fatigue, l’usage de ses facultés intellectuelles et de ses jambes.

Nous ne décrirons pas plus au long une scène que nous aurions supprimée volontiers, si la fidélité à laquelle nous nous sommes astreint, ne nous avoit obligé d’en toucher quelque chose. Beaucoup d’historiens, faute de cette exactitude scrupuleuse, jettent leurs lecteurs dans un cruel embarras, en leur laissant la peine de deviner une foule de petits incidents, qui mettent quelquefois leur sagacité à une laborieuse et vaine épreuve.

Sophie fut bientôt guérie de sa terreur panique, par l’arrivée du noble pair qui n’étoit pas seulement une simple connoissance, mais un ami très-particulier de mistress Fitz-Patrick. S’il faut ne rien taire, c’étoit à lui qu’elle avoit dû sa délivrance. Ce seigneur ne le cédoit ni en bravoure, ni en galanterie aux illustres paladins dont nous lisons les hauts faits dans les romans de chevalerie. Il avoit brisé les fers de plus d’une beauté captive. L’autorité tyrannique qu’exercent trop souvent les maris et les pères sur un sexe foible et charmant, excitoit son indignation. Il en étoit ennemi aussi juré, que jamais chevalier errant le fut du malin pouvoir des enchanteurs. Pour le dire en passant, nous avons toujours soup-