Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/163

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Sa femme ne partageoit pas son sentiment. Sans décider si elle ressentoit l’injure faite à son mari plus vivement que lui-même, on peut assurer qu’elle se louoit peu de la générosité de Sophie. « Cette dame, lui dit-elle, sait mieux que vous ne vous l’imaginez le prix de l’argent. Elle pensoit bien que l’affaire n’en resteroit pas là, qu’il nous falloit une satisfaction, et que la justice lui coûteroit infiniment plus que cette bagatelle, que vous n’auriez pas dû accepter.

— Vous vous abusez fort, répondit le mari. La justice lui auroit coûté davantage, cela est vrai, croyez-vous que je ne le sache pas aussi bien que vous ? Mais en seroit-il entré plus, ou même autant dans notre poche ? Ah ! si mon fils Thomas le procureur vivoit encore, je me serois fait un plaisir de lui mettre entre les mains une si jolie affaire. Quel parti il en auroit tiré ! Mais je n’ai plus de parent dans la chicane, et irai-je plaider pour enrichir des étrangers ?

— Allons, répartit la femme, j’en conviens, vous en savez plus que moi…

— Je le crois, répliqua-t-il ; quand il y a de l’argent à gagner, je suis capable de le flairer aussi bien que personne. Tout le monde, croyez-moi, n’auroit pas eu le talent de se faire donner la bagatelle dont vous parlez, notez cela, je vous prie. Tout le monde n’auroit pas su flatter la