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On se rappelle que l’écuyer partit d’Upton, fort en colère, pour courir après sa fille. Ayant appris du valet d’écurie qu’elle avoit passé la Savern, il la passa aussi avec sa suite, et mit son cheval au grand galop, menaçant la pauvre Sophie d’un châtiment exemplaire, s’il parvenoit à la rattraper.

En peu de temps, il arriva à un carrefour où il s’arrêta un instant, et tint conseil. Les avis étant partagés, il laissa le choix de la route à la fortune, qui le lança sur celle de Worcester.

À peine avoit-il fait deux milles dans cette direction, qu’il commença à proférer des plaintes amères. « Quelle fatalité ! s’écria-t-il à diverses reprises. Fut-il jamais chien plus malheureux que moi ! » Et il lâcha une bordée de jurements et d’imprécations.

Le ministre Supple essaya de calmer son chagrin. « Ne vous affligez pas, monsieur, lui dit-il, comme font ceux qui n’ont plus d’espoir. Quoique nous n’ayons pu réussir encore à trouver mademoiselle Sophie, nous devons nous estimer heureux d’avoir suivi ses traces jusqu’ici. Il est vraisemblable que la fatigue l’obligera bientôt de s’arrêter dans quelque auberge, pour réparer ses forces ; et dans peu, selon toutes les probabilités morales, vous serez compos voti[1].

  1. Au comble de vos vœux.