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— La peste l’étouffe ! répartit l’écuyer. C’est bien d’elle que je m’occupe ! Je déplore la perte d’une matinée si favorable pour la chasse. Quel nez mes chiens auroient eu ! Il est dur de manquer le plus beau jour peut-être de la saison, surtout après une aussi longue gelée. »

Soit que la fortune qui mêle de temps en temps quelque douceur à l’amertume de ses disgraces prît pitié de l’écuyer, soit que décidée à ne pas lui rendre sa fille, elle voulût le dédommager d’une autre manière, au moment où il prononçoit ces mots, accompagnés de deux ou trois jurements, des chiens courants firent entendre à peu de distance leurs voix mélodieuses. À ce bruit flatteur, le cheval et le cavalier dressèrent l’oreille. « La bête est passée, elle est passée ! s’écrie Western, ou le diable m’emporte. » Aussitôt il donne de l’éperon à son coursier qui, animé de la même ardeur que lui, n’en avoit nul besoin, il laisse en arrière le pauvre ministre émerveillé de sa folie, traverse avec tous ses gens un champ de blé, et court droit aux chiens en criant à tue-tête : « Holla ! holla ! taiaut ! taiaut ! »

Ainsi, dit la fable, la belle Grimalkin[1], que Vénus, à la prière d’un amant passionné, métamorphosa jadis de chatte en femme, n’aperçut pas plus tôt une souris, que se rappelant ses an-

  1. Nom poétique du chat en anglais.Trad.