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sa fille, on peut croire que les valets l’oublièrent aussi. Le ministre lui-même cessa d’y penser. Après s’être récrié en beau latin contre l’extravagance de son patron, il suivit d’assez loin les chasseurs, et tout en trottant, il s’occupa à composer un prône pour le dimanche suivant.

Le propriétaire de la meute fut ravi de l’arrivée d’un confrère. On aime à trouver dans autrui des talents et des goûts analogues aux siens. Personne n’étoit plus habile, en plaine, que M. Western, personne ne savoit mieux exciter les chiens de la voix, et animer la chasse par ses cris.

Les chasseurs, dans la chaleur de l’action, sont trop préoccupés, pour observer les règles de la politesse. Souvent même ils négligent les simples devoirs de l’humanité. L’un d’eux vient-il à tomber dans un fossé, ou dans une rivière ? ses compagnons passent outre, sans prendre garde à lui, et l’abandonnent pour l’ordinaire à son malheureux sort. Les deux écuyers, quoique galopant souvent à côté l’un de l’autre, ne s’adressèrent pas une seule parole : ce qui n’empêcha point le maître de l’équipage de remarquer et d’admirer l’habileté de l’inconnu à redresser les chiens, lorsqu’ils étoient en défaut. Il conçut une grande idée de sa capacité, en même temps que le nombre de ses valets lui donnoit une haute opinion