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Trop heureux le guerrier qui meurt pour sa patrie !
Car, dans le fait, à quoi sert la poltronnerie,
Nul n’échappe à la mort. L’inflexible Atropos
Tranche les jours du lâche, ainsi que du héros.

— Cela est certain. Oui, sûrement, mors omnibus communis[1]. Mais il est bien différent de mourir dans son lit, de vieillesse, entouré d’amis en larmes, ou d’être tué roide aujourd’hui, ou demain d’un coup de fusil, comme un chien enragé, ou taillé en pièces à coups de sabre, sans avoir le temps de demander à Dieu pardon de ses péchés. Que le ciel nous fasse paix ! les gens de guerre sont une race maudite, pour laquelle je me suis toujours senti de l’éloignement. Jamais je n’ai pu prendre sur moi de les regarder comme des chrétiens. Il ne sort de leur bouche que jurements et que blasphèmes. Je souhaite que monsieur se repente de son projet, avant qu’il soit trop tard, je le souhaite de tout mon cœur. De grace, n’allez pas vous mêler parmi cette engeance diabolique ! la mauvaise compagnie corrompt les bonnes mœurs : voilà ma principale raison. À l’égard du danger, je ne le crains pas plus qu’un autre, non assurément. Je sais que tout le monde doit mourir. Cependant, on peut aller plus, ou moins loin. Moi, par exemple, je ne suis qu’au milieu de ma carrière, et je puis

  1. Tout le monde doit mourir.