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me promettre un long avenir. J’ai lu nombre d’exemples de gens qui ont vécu cent ans et plus. Ce n’est pas que je me flatte d’atteindre à cette extrême vieillesse. Néanmoins, quand je ne vivrois que quatre-vingts à quatre-vingt-dix ans, Dieu soit loué, ce seroit toujours un bel âge. Je ne crains pas la mort plus qu’un autre ; mais l’affronter avant le temps, c’est le comble de l’extravagance et de l’impiété. Encore s’il en devoit résulter le moindre bien ! mais quelque cause que l’on défende, que peuvent faire deux hommes pour en assurer le succès ? Quant à moi, je suis tout neuf dans le métier des armes. Je n’ai pas tiré dix coups de fusil dans ma vie, et ce n’étoit même qu’à poudre. Je ne m’entends pas davantage à manier l’épée. Jamais je n’ai pris de leçon d’escrime… Et puis il y a ces vilains canons, au devant desquels on ne peut aller, sans une insigne témérité. Il faut être fou… je vous demande pardon ; sur mon ame, je n’ai pas eu dessein de vous offenser. Que votre seigneurie ne retombe pas, je l’en supplie, dans ses accès de colère.

— Ne crains rien, Partridge, je suis maintenant si convaincu de ta poltronnerie, que tu ne saurois m’offenser en aucune façon.

— Monsieur peut m’accuser de poltronnerie, tant qu’il lui plaira. Si c’est être poltron que d’ai-