Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/194

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mes lui firent-ils oublier qu’il n’étoit pas seul.

Tandis que Jones baisoit et rebaisoit le portefeuille, comme un enfant lèche avidement les bords dorés d’un gâteau, ou comme un bibliomane presse avec ravissement contre ses lèvres un livre rare qu’il vient d’acquérir, ou enfin comme un statuaire adore la beauté que créa son ciseau, il tomba d’entre les tablettes un papier que Partridge ramassa et remit à son maître. C’étoit le billet de banque dont M. Western avoit fait présent à sa fille, la veille de sa fuite. Il étoit de cent livres sterling, et pas un juif n’eût refusé de le prendre pour cinq schellings au-dessous de sa valeur.

À cette découverte que Jones proclama sur-le-champ, les yeux de Partridge étincelèrent de joie. Une autre expression se peignit dans ceux du pauvre qui avoit trouvé le portefeuille, et qui s’étoit abstenu de l’ouvrir, par honnêteté, nous l’espérons. Ce seroit toutefois en manquer envers le lecteur, de lui laisser ignorer une circonstance assez importante ; c’est que le mendiant ne savoit pas lire.

La vue du billet de banque mêla un sentiment de peine au plaisir si pur et si vif que Jones avoit éprouvé, en ouvrant le portefeuille. Son imagination lui représenta le besoin que pourroit en avoir celle à qui il appartenoit, avant qu’il eût