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non pas aussi vite que Jones l’auroit souhaité. Le mendiant étoit malheureusement boiteux, comme on l’a vu plus haut, et ne pouvoit faire qu’un mille par heure : or, le lieu en question étant éloigné, malgré son dire, de plus de trois milles, on peut calculer aisément le temps qu’il leur fallut pour ce trajet.

Jones ouvrit et baisa cent fois le portefeuille pendant la marche, se parla beaucoup à lui-même, et n’adressa que peu de mots à ses compagnons. Le guide en témoigna son étonnement à Partridge qui, pour toute réponse, secoua la tête et dit : « Le pauvre jeune homme ! Orandum est ut sit mens sana in corpore sano[1] ! »

Enfin ils arrivèrent à l’endroit où Sophie avoit eu le malheur de perdre son portefeuille, et le mendiant, le bonheur de le trouver. Jones voulut alors congédier son guide et doubler le pas ; mais le drôle qui avoit eu le temps de la réflexion, et qui commençoit à revenir de la surprise et de la joie que lui avoit causées la première vue de la guinée, prit un air mécontent et dit en se grattant la tête : « J’espère que votre seigneurie me donnera quelque chose de plus. Qu’elle considère que si je n’étois pas un honnête homme, j’aurois pu garder le tout. (Et l’on ne sauroit disconvenir que c’étoit la vérité.) Si le papier qui est dans

  1. Ô ciel, rendez-le sain d’esprit comme de corps !