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l’individu ; chez les autres, quoiqu’il produise souvent la négligence et même l’entier oubli des aliments qu’exige la nature, cependant placez un amant affamé de cette espèce, devant un aloyau cuit à point, il manquera rarement d’y faire honneur. C’est ce qui arriva dans le cas présent. Jones, s’il eût été seul, auroit pu aller beaucoup plus loin sans manger ; mais dès qu’on eut servi l’omelette au lard, excité par l’exemple de son compagnon, il se jeta dessus avec autant d’avidité que Partridge lui-même.

La nuit survint avant que nos voyageurs eussent achevé leur repas ; et comme la lune étoit en décours, il faisoit extrêmement noir. Partridge décida son maître à rester au spectacle de marionnettes qui alloit commencer, et auquel le directeur les invita d’une manière très-pressante. Ses figures, à l’entendre, étoient les plus belles qu’on eût jamais vues ; elles avoient obtenu le suffrage des amateurs éclairés de toutes les villes d’Angleterre.

La pièce se composoit de scènes choisies du Mari mis à l’épreuve. Elle fut jouée avec beaucoup d’ensemble et de décence. Le ton en étoit sérieux et grave, il n’y avoit ni quolibets, ni plaisanteries, ni gaîté, enfin pas un mot qui provoquât le rire. L’auditoire se récria d’admiration. Une respectable matrone dit au directeur, que