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sur le théâtre des marionnettes ? Ce n’est pas pour rien, je pense, qu’elle a passé dehors toute la nuit. »

L’hôtesse entra alors toute furieuse dans la cuisine, et accabla d’injures son mari, ainsi que le pauvre bateleur. « Voyez, dit-elle au premier, ce qu’on gagne à loger de pareilles gens. S’ils boivent un peu plus que d’autres, leur dépense dédommage à peine du désordre qu’ils causent : et puis cette racaille-là change une honnête maison en un mauvais lieu. Enfin, j’entends que vous m’en débarrassiez dès demain matin. Je suis décidée à ne pas tolérer davantage des parades qui ne sont propres qu’à enseigner à nos domestiques la fainéantise et le vice. C’est le seul fruit qu’ils en puissent recueillir. Je me souviens du temps où les marionnettes représentoient des sujets tirés de l’Écriture sainte, tels que le vœu téméraire de Jephté et autres histoires édifiantes, où le diable emportoit les méchants. Il y avoit du sens dans ces pièces-là ; mais comme notre ministre le disoit dimanche dernier, personne ne croit plus au diable aujourd’hui. Pourquoi nous amener un tas de marionnettes vêtues comme des lords et des ladys ? Cela ne sert qu’à tourner la tête à nos paysannes ; et quand elles ont une fois la tête à l’envers, Dieu sait ce qui s’ensuit ! »