Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/210

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son spectacle sur les mœurs. Il demeura muet, tel qu’un charlatan qui, dans le cours d’un éloge emphatique de l’admirable vertu de ses poudres, verroit apporter devant son théâtre, comme un témoin de son savoir-faire, le cadavre d’une de ses victimes. Sans répondre à l’hôtesse, il courut châtier le paillasse ; et maintenant la lune commençoit à montrer, comme disent les poëtes, son disque d’argent qui paroissoit plutôt, en ce moment, un disque de cuivre. Jones demanda son compte, et fit dire à Partridge qu’on venoit de réveiller d’un profond somme, de se préparer à partir ; mais le pédagogue qui avoit déjà fait dans la journée deux tentatives heureuses sur l’esprit de son maître, résolut d’en essayer une troisième : c’étoit de l’engager à passer la nuit dans l’auberge. Il débuta par une feinte surprise de la résolution qu’annonçoit M. Jones de se remettre en route. Après l’avoir combattue par de bonnes raisons, il s’attacha surtout à en démontrer l’inutilité. « Monsieur, lui dit-il, à moins de savoir quel chemin a pris mademoiselle Sophie, vous courez risque de vous éloigner d’elle à chaque pas. Vous voyez par le rapport de tous les gens de la maison qu’elle n’a point passé par ici. Ne vaut-il pas mieux rester jusqu’à demain matin dans cette auberge, avec