Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/214

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tachent tant d’importance à la réputation de richesse de leurs maîtres, et peu ou point à leur bonne renommée ; que ces mêmes hommes qui rougiroient d’entrer dans une maison pauvre, ne soient pas honteux de servir un roué, ou un sot, et divulguent sans le moindre scrupule ses folies et ses vices : ce qu’ils font souvent avec autant de malice que d’originalité. Dans le fait un laquais est pour l’ordinaire un bel-esprit et un fat qui brille aux dépens de celui dont il porte la livrée.

Partridge, après avoir enflé prodigieusement la fortune dont M. Jones devoit hériter, n’hésita point à manifester une crainte qu’il avoit conçue la veille, avec assez de fondement. En un mot, il ne doutoit plus que son ami n’eût perdu l’esprit ; et il communiqua nettement son opinion à la bonne compagnie rassemblée autour du feu de la cuisine.

Le joueur de marionnettes se rangea sur-le-champ à cet avis. « J’avoue, dit-il, que ce jeune homme m’a fort surpris, quand je l’ai entendu parler de mon spectacle avec tant de déraison. On a peine à comprendre qu’une personne dans son bon sens puisse se méprendre à ce point. Ce que vous venez de dire explique la monstrueuse bizarrerie de ses idées. Le pauvre jeune homme ! je le plains de toute mon ame. Il a en effet quelque chose d’égaré dans les yeux. Je m’en étois