Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/226

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

guide dans une chambre voisine. Tel étoit son respect pour Sophie, qu’il s’abstenoit de prononcer son nom devant qui que ce fût. Si, dans une sorte d’effusion de cœur, il lui étoit arrivé une fois de porter à table sa santé, c’étoit devant des officiers dont il ne croyoit pas qu’elle pût être connue ; et le lecteur doit se souvenir, avec quelle peine on obtint de lui qu’il fît connoître son nom de famille.

Il paroîtra donc cruel, et peut-être contre toute équité, que Jones, doué de sentiments si purs, dût principalement sa disgrace actuelle à un prétendu manque de délicatesse. Sophie, en effet, étoit beaucoup moins blessée des libertés qu’il avoit prises avec une autre femme, que de l’atteinte qu’elle l’accusoit assez justement, en apparence, d’avoir portée à la dignité de son caractère : et nous pensons qu’Honora n’auroit pu la faire partir d’Upton, sans le voir, si elle n’avoit eu à lui citer, pour combattre son penchant, deux traits d’indiscrétion et de légèreté entièrement incompatibles avec un véritable amour, dans une ame délicate et généreuse.

La chose, au reste, se passa ainsi, et nous n’y devons rien changer. Si on la trouve invraisemblable, nous ne saurions qu’y faire. Notre ouvrage n’est point un système, mais une histoire. Nous ne sommes pas obligé de concilier tous les