Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Partridge se consola de quitter le coin du feu et une bouteille d’excellente bière, en apprenant qu’il ne voyageroit plus à pied. Jones, par des arguments dorés, avoit persuadé au guide de le conduire à l’auberge où il venoit de mener Sophie ; mais cet homme n’y avoit consenti qu’à la condition que son camarade l’attendroit au cabaret ; car l’aubergiste d’Upton étant l’intime ami de celui de Glocester, il craignoit que ce dernier ne vînt à savoir un jour ou l’autre que ses chevaux avoient fait double course : ce qui l’obligeroit à rendre compte de l’argent qu’il se proposoit, en garçon avisé, de mettre dans sa poche.

Quelque légère que paroisse cette circonstance, nous n’avons pu nous dispenser de la rapporter, parce qu’elle retarda long-temps le départ de Jones. Le second guide mettoit sa probité à un plus haut prix que le premier, et elle auroit coûté fort cher à Jones, si Partridge qui étoit, comme on sait, un rusé compère, n’avoit eu l’heureuse idée de lui donner une demi-couronne à dépenser dans ce même cabaret, pour l’aider à attendre le retour de son camarade. L’hôte n’eut pas plus tôt flairé la pièce d’argent, qu’il poussa un cri de joie. Le désir d’en avoir sa part le rendit si éloquent, si persuasif, qu’en un instant il triompha de la résistance du guide, et le décida à rester, moyennant une demi-couronne de plus.