Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/240

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page, une table somptueuse, et les autres avantages réels ou apparents de l’opulence, au prix de ce vif et solide contentement, de cette douce satisfaction, de cette joie intérieure, de ces transports enivrants que procure à l’homme de bien le sentiment d’une noble et généreuse action ? Que de grands biens tentent la cupidité de Blifil, je ne les lui envie point. Je ne changerois pas de position avec lui, s’il devoit m’en coûter un remords. Il m’a supposé, je crois, les vues intéressées dont vous avez parlé ; et c’est à ces soupçons, nés de la bassesse de son ame, que j’attribue ses lâches procédés envers moi. Mais, grace au ciel, je connois, je sens… je sens mon innocence, mon ami, et je n’y renoncerois pas pour l’empire du monde. Aussi long-temps que je pourrai dire : je n’ai fait ni souhaité de mal à personne,

Placez-moi dans ces champs par le froid engourdis,
Qui n’ont jamais connu ni Zéphire, ni Flore,
Dans ces âpres climats de brouillards obscurcis,
Que le maître du monde abhorre ;

Placez-moi sous le char où Phœbus en son cours
Sur de brûlants déserts exerce son empire,
J’aimerai Lycoris, oui j’aimerai toujours
Son doux parler, son doux sourire[1]. »

  1. Pone me pigris ubi nulla campis
    Arbor æstiva recreatur aura
    ,