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quantité de jambons, de gigots de mouton, de volailles. Chacun s’occupoit à préparer, pour soi, une sauce meilleure que n’auroit pu la faire le plus habile et le plus cher des cuisiniers françois.

Énée ne demeura pas plus frappé de surprise dans le temple de Junon[1] à l’aspect des tableaux de la guerre de Troie, que notre héros à la vue de ce qui se passoit dans cette grange. Tandis qu’il promenoit autour de lui des regards étonnés, un vénérable personnage vint à lui et l’aborda d’une manière trop cordiale et trop franche, pour n’être qu’une simple marque de politesse. C’étoit le roi des Bohémiens. Son habillement différoit peu de celui de ses sujets. Aucun ornement extérieur ne relevoit sa dignité ; et cependant, au dire de M. Jones, il y avoit dans son air quelque chose qui annonçoit l’autorité, et qui inspiroit la crainte et la soumission : soit que cette idée vînt de l’imagination de notre ami, soit qu’elle découle naturellement du pouvoir et en soit comme inséparable.

La physionomie ouverte, les manières polies de Jones, jointes à l’agrément de sa personne le recommandoient au premier abord. L’impression favorable qui en étoit l’effet ordinaire fut encore augmentée par le profond respect qu’il témoigna au roi des Bohémiens, dès qu’il eut connoissance

  1. Dum stupet obtutuque hæret defixus in uno.Virgile.