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de sa dignité. Sa majesté bohémienne y parut d’autant plus sensible, qu’elle n’étoit accoutumée à recevoir un pareil hommage que de ses propres sujets.

Le roi donna l’ordre de dresser une table pour Jones, et de la couvrir de mets choisis : puis se plaçant à sa droite, il lui tint le discours suivant :

« Je ne doute pas, monsieur, que vous n’ayez souvent rencontré des bandes éparses de mes sujets ; car il s’en trouve par tout le monde ; mais vous nous croyiez, je pense, moins nombreux que nous ne le sommes, et vous serez encore plus surpris d’apprendre que les Bohémiens ont un gouvernement aussi régulier, aussi sage qu’aucun peuple de la terre.

« J’ai l’honneur d’être leur roi ; nul monarque ne peut se vanter de commander à des sujets plus dociles et plus affectionnés. J’ignore jusqu’à quel point je mérite leur amour : ce que je puis dire, c’est que je ne m’occupe qu’à les rendre heureux ; et je ne m’en fais pas un mérite. Puis-je m’empêcher de contribuer au bonheur de pauvres gens qui courent tout le long du jour de côté et d’autre, et ne manquent pas de m’apporter la meilleure part de ce qu’ils gagnent ? Ils m’aiment et m’honorent, parce que je les aime et que je prends soin d’eux. Voilà tout, je n’en sais pas d’autre raison.