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« Il y a environ mille, ou deux mille ans (je ne puis dire au juste l’époque, ne sachant ni lire ni écrire), il arriva chez les Bohémiens ce que vous appelez une révolution. Il existoit alors parmi eux des seigneurs qui se faisoient une guerre continuelle pour la préséance. Le roi abolit leurs privilèges et rendit tous ses sujets égaux. Depuis ce temps, ils vivent ensemble dans une parfaite harmonie. Aucun d’eux n’ambitionne la royauté, et ils ont bien raison. Rien, je vous assure, n’est plus pénible que d’être roi, et de rendre sans cesse la justice. J’ai souvent envié le sort du dernier de mes sujets, quand j’ai été forcé de punir un parent, ou un ami ; car bien que nous n’infligions jamais la peine de mort, nos châtiments sont très-sévères. Ils obligent le coupable à rougir de lui-même, et c’est une punition terrible. Un bohémien s’y expose rarement deux fois. »

Le roi témoigna ensuite quelque surprise qu’il n’y eût pas dans les autres gouvernements une punition telle que la honte. Jones l’assura que dans les lois angloises, elle s’attachoit à un grand nombre de crimes, et qu’elle étoit la conséquence naturelle de tous les châtiments.

« Vous m’étonnez, reprit le roi. Sans avoir vécu parmi les Anglois, j’en connois beaucoup, et j’ai ouï dire que la honte étoit la conséquence