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le mot de dîner, il se joignit à lui ; et rétractant la promesse qu’il avoit faite de fournir des chevaux sur-le-champ, il assura M. Jones que le dîner ne le retarderoit en rien, et seroit servi avant que les chevaux, qui étoient encore au pâturage, eussent mangé l’avoine, pour se préparer à la course.

Jones se laissa persuader par ce dernier argument, et l’hôte mit aussitôt à la broche une épaule de mouton. Pendant qu’elle rôtissoit, Partridge retiré dans une chambre avec son maître, ou, si l’on veut, son ami, lui parla en ces termes : « Assurément, monsieur, si jamais homme mérita l’affection d’une jeune dame, vous méritez bien celle de mademoiselle Sophie. Quelle provision d’amour il faut avoir pour en vivre, comme vous faites, sans autre nourriture ! Je suis sûr d’avoir mangé trente fois autant que vous, pendant les dernières vingt-quatre heures, ce qui n’empêche pas que je ne meure presque de faim. Rien n’aiguise si fort l’appétit, que de voyager par ce temps froid et pluvieux. Je ne sais cependant comment cela se fait, vous paroissez jouir d’une santé parfaite. Jamais je ne vous ai vu le teint plus frais, plus vermeil. Vous vivez d’amour, on n’en sauroit douter !

— Et c’est aussi, Partridge, une nourriture très-substantielle. La fortune d’ailleurs ne m’en