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qu’il y avoit été entraîné par la plus affreuse misère, par le cruel spectacle de cinq enfants mourant de faim, et d’une femme en couche d’un sixième. L’infortuné attestoit avec force la vérité de ces tristes détails, et il offroit d’en convaincre M. Jones, s’il vouloit prendre la peine de l’accompagner jusqu’à sa maison qui n’étoit pas éloignée de plus de deux milles ; il ajouta qu’il ne demandoit sa grace qu’à condition de prouver tout ce qu’il avançoit.

Jones feignit d’abord de le prendre au mot et de vouloir le suivre. Il lui déclara en même temps que son sort dépendoit entièrement de l’exactitude de son récit : sur quoi le pauvre homme fit éclater tant de joie, que Jones ne douta plus de sa sincérité, et se sentit touché de pitié pour lui. « Reprenez votre pistolet, lui dit-il, et cherchez à l’avenir des moyens plus honnêtes de soulager votre misère. Voici deux guinées pour subvenir aux premiers besoins de votre femme et de vos enfants. Je voudrois pouvoir vous donner davantage ; mais les cent guinées dont on vous a parlé ne m’appartiennent point. »

Il est probable que nos lecteurs seront partagés de sentiment sur cette action. Quelques-uns y applaudiront, comme à un acte sublime d’humanité ; d’autres plus sévères n’y verront qu’un dangereux oubli de cette justice que chacun doit