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répondit sèchement qu’il n’y avoit point de dame dans l’hôtel. Jones témoigna le désir de parler au maître de la maison. On lui dit que milord ne seroit pas visible de toute la matinée. Il insista ; le portier répliqua qu’il avoit l’ordre positif de ne laisser entrer personne. « Mais, ajouta-t-il, vous pouvez laisser votre nom, milord le verra ; et si vous repassez, vous saurez quand vous serez reçu. »

Jones dit, qu’ayant besoin d’entretenir la jeune dame d’une affaire très-importante, il ne se retireroit pas sans l’avoir vue. « Il n’y a point de jeune dame dans l’hôtel, lui répondit le rustre d’un ton brutal, et par conséquent vous n’en verrez pas. Vous êtes un homme étrange : vous ne vous payez d’aucune raison. »

Nous avons souvent pensé que Virgile, en faisant le portrait de Cerbère dans le sixième livre de l’Énéide, avoit en vue les portiers des personnages considérables de son temps. Ce portrait du moins offre une peinture assez fidèle des gens qui ont l’honneur de garder la porte des grands seigneurs de nos jours. Le portier dans sa loge, est la vraie image de Cerbère dans son antre. Il faut l’apaiser, comme ce dernier, par une offrande, afin d’avoir accès auprès du maître. Peut-être Jones vit le suisse de milord sous cet aspect, et se souvint du passage où la sibylle, pour pro-