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curer à Énée l’entrée des enfers, aborde le gardien du Styx avec un gâteau de miel et de pavots. Il essaya d’attendrir le cerbère humain par un présent d’une autre nature. Un laquais qui entendit sa proposition s’avança aussitôt, et dit à M. Jones que, s’il vouloit lui donner la récompense qu’il offroit, il le mèneroit chez la dame. Jones y consentit, et fut à l’instant conduit au logement de mistress Fitz-Patrick par le même homme qui avoit accompagné la veille les deux cousines.

Rien ne rend si sensible à un mauvais succès, que d’en avoir manqué, de près, un bon. Le joueur qui perd la partie au piquet pour un point, se plaint dix fois autant que celui qui n’a pas eu un moment l’espoir de la gagner. Il en est de même à la loterie. Le spéculateur dont le numéro approchoit du gros lot, s’estime beaucoup plus malheureux que ses compagnons d’infortune. En un mot, la privation d’un bonheur auquel on touchoit presque, a l’air d’une insulte de la fortune. Il semble qu’en nous abusant par de vaines illusions, elle veuille s’amuser à nos dépens.

Jones, qui avoit déjà essuyé plus d’une fois ses caprices, fut encore condamné dans cette circonstance au supplice de Tantale. Il arriva à la porte de mistress Fitz-Patrick, cinq minutes après le départ de Sophie. La femme de chambre