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tôt assez, pour rendre grace à son libérateur. Jones reçut aussi les plus vifs remercîments de la jeune personne qui n’étoit autre que miss Nancy, fille aînée de la maison.

Le laquais s’étant relevé, secoua la tête et dit à Jones d’un air fin : « Oh ! Dieu me damne, s’il me reprend envie de joûter contre vous ! Vous avez monté sur les planches, ou que le diable m’emporte. » Pardonnons-lui ce soupçon. Telles étoient la vigueur et l’adresse de notre héros, qu’il pouvoit défier les plus renommés boxeurs, et qu’il auroit triomphé sans peine de tous les gradués emmitouflés[1] de l’école de M. Broughton.

Le maître écumant de rage ordonna à son laquais de quitter à l’instant sa livrée. Celui-ci y consentit, à condition qu’on lui paieroit ses gages. La condition fut aussitôt remplie, et le drôle congédié. Après son expulsion, le jeune homme

  1. De crainte que cette épithète n’embarrasse la postérité, nous jugeons à propos de l’éclaircir, en rapportant les propres termes d’un prospectus publié le 1er  février 1747.

    « N. B. M. Broughton se propose (s’il y est dûment encouragé), d’ouvrir dans sa maison de Haymarket une académie, pour l’instruction de ceux qui désirent d’être initiés aux mystères de l’art de boxer. Il enseignera la théorie et la pratique de cet art vraiment anglois. Il expliquera les différentes postures, feintes, attaques et parades dont il se compose. Afin qu’aucune crainte d’accident n’éloigne de son cours les personnes de qualité et de distinction, il a l’honneur de prévenir le public qu’il donnera ses leçons avec les égards et les ménagements qu’exigera la constitution délicate des élèves. À cet effet il les pourvoira de muffles (nouvelle espèce de masques), qui préserveront de toute atteinte fâcheuse leurs yeux, leurs nez et leurs mâchoires. »