Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/317

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cas que les premiers faisoient d’une bourse vide, est-il une des causes du profond mépris qu’ils inspirent aux derniers.

Or si l’ancienne opinion que la vertu suffit à tous les besoins de l’homme est, suivant nos sages modernes, d’une fausseté manifeste, nous craignons bien que divers romanciers n’aient avancé sans plus de fondement, qu’on peut vivre uniquement d’amour. Quelques jouissances délicieuses qu’un pareil aliment procure à certains sens, il est sûr qu’il n’en donne aucune aux autres. Les imprudents qui se sont laissé séduire par les rêves d’écrivains exaltés, ont senti trop tard leur erreur, et reconnu que l’amour n’étoit pas plus capable d’apaiser la faim, qu’une rose de charmer l’oreille, ou un violon de flatter l’odorat.

Malgré l’attrayante amorce qu’il avoit offerte à Jones, en le berçant du doux espoir de trouver sa Sophie au bal, espoir dont notre crédule ami avoit pris plaisir à se repaître tout le long du jour, le soir ne fut pas plus tôt venu, qu’il éprouva le besoin d’une nourriture plus solide. Partridge s’en aperçut. Il hasarda une oblique allusion au billet de banque : puis voyant qu’elle n’excitoit que du dédain, il s’arma de courage, et recommença à parler de retourner chez M. Allworthy.

« Partridge, dit Jones, vous ne pouvez envisa-