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quant, pour en tirer une réponse qui trahît cette voix sur laquelle il croyoit ne pouvoir se méprendre. Souvent on lui répondoit d’un ton aigre : « Est-ce que vous me connoissez ? » plus souvent encore : « Je ne vous connois pas, monsieur, » et rien de plus. Il arrivoit parfois qu’on le traitoit d’impertinent, qu’on ne daignoit pas l’honorer d’une réponse, ou qu’on lui disoit : « En vérité, je ne sais qui vous êtes ; passez votre chemin, et laissez-moi tranquille. » Quelques femmes pourtant lui faisoient des réponses très-obligeantes ; mais leur voix n’étoit pas celle qu’il brûloit d’entendre.

Comme il parloit à l’une de celles-ci vêtue en bergère, une femme en domino s’approcha de lui, et le frappant sur l’épaule, lui dit à l’oreille : « Si vous causez davantage avec cette créature, j’en instruirai miss Western. »

Aussitôt Jones s’empressa de quitter ce masque, et suivit la dame au domino, la priant, la conjurant de lui montrer la personne dont elle venoit de parler, si elle étoit dans la salle.

La dame, sans dire un mot, gagna à grands pas l’extrémité d’une pièce éloignée, puis s’assit en se plaignant d’une extrême fatigue. Jones se mit à côté d’elle, et continua ses instances. À la fin, l’inconnue lui répondit froidement : « Je croyois M. Jones un amant trop clairvoyant, pour