Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 3.djvu/324

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mon cœur, que de m’appeler l’ennemi de miss Western.

— Cependant, monsieur, conspirer la ruine de quelqu’un, n’est-ce pas agir en ennemi ? et lorsqu’on a en même temps la conviction et la certitude qu’on se perd soi-même, ne joint-on pas l’extravagance au crime ? Ma cousine n’a guère à présent que ce qu’il plaira à son père de lui donner : et c’est bien peu de chose pour une personne de son rang. Vous connoissez le caractère de M. Western et votre situation.

— Je vous proteste, madame, que je n’ai point sur miss Western les vues qu’on me suppose. J’aimerois mieux souffrir la mort la plus cruelle, que d’immoler à ma passion l’intérêt d’une personne si chère. Je sais combien je suis à tous égards indigne de la posséder. Depuis long-temps j’avois résolu de renoncer à une si haute ambition ; mais d’étranges événements m’ont fait désirer de la revoir encore une fois, au moment où je me promettois de prendre congé d’elle pour jamais. Non, madame, je n’ai pas la bassesse de chercher ma propre satisfaction aux dépens de l’honneur et de la fortune de celle que j’adore. Je sacrifierois tout à la possession de ma Sophie, excepté Sophie elle-même. »

Il est possible que le lecteur ait déjà pris une