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fâché de ce contre-temps. Au reste, s’il en éprouva quelque chagrin, il en fut bientôt consolé ; car, moins d’une heure après, il reçut un second billet de la même main, ainsi conçu :

« J’ai changé d’avis depuis que je vous ai écrit. Si vous n’êtes pas étranger à la plus tendre des passions, ce changement ne vous surprendra point. Je suis décidée à vous voir ce soir chez moi, quelles qu’en puissent être les conséquences. Venez à sept heures précises. Je dîne en ville ; mais je serai de retour à l’heure que je vous marque. Quand on aime sincèrement, un jour, je le vois, paroît plus long que je ne l’aurois imaginé.

« P. S. Si par hasard vous arriviez un peu avant moi, vous vous feriez conduire au salon. »

À dire vrai, Jones fut moins content du second billet que du premier. Le rendez-vous que lui donnoit lady Bellaston le forçoit de manquer de parole à son ami Nightingale, avec qui il devoit aller ce soir-là à la comédie, où l’on jouoit une pièce nouvelle qu’une forte cabale se proposoit de siffler, en haine de l’auteur auquel s’intéressoit une des connoissances de Nightingale. Jones, nous rougissons de l’avouer, auroit préféré de bon cœur ce divertissement à l’obligeante entrevue qu’on lui destinoit ; mais il fit à l’honneur le sacrifice de son plaisir.