Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/274

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et lui prescrire une tâche que le cœur seul met en état de remplir ? À vous parler franchement, je pense que les parents qui agissent de la sorte se rendent complices de toutes les fautes que leurs enfants commettent dans la suite, et doivent s’attendre, suivant les règles de la justice, à subir le même châtiment qu’eux ; mais quand ils pourroient l’éviter, est-il, bon Dieu ! un père capable de supporter la pensée de contribuer à la damnation de son enfant ? Ainsi, mon cher voisin, l’inclination de votre fille étant malheureusement contraire à mon neveu, je me vois forcé de renoncer à l’honneur que vous vouliez lui faire ; mais je n’en conserverai pas moins pour vous une éternelle reconnoissance.

— Fort bien, monsieur, dit Western tout écumant de colère, je vous ai écouté jusqu’au bout ; j’espère maintenant que vous m’écouterez à votre tour. Si je ne réfute pas toutes vos objections, je consens qu’il ne soit plus question de rien. Répondez d’abord à ceci : Ne me doit-elle pas la vie, dites ? ne me la doit-elle pas ? On prétend, je le sais, que bien habile est le père qui connoît son enfant ; mais, j’ai sur elle d’autres droits incontestables ; car je l’ai élevée. Vous m’accorderez d’ailleurs, je pense, que je suis son père, et en cette qualité n’est-ce pas à moi à la gouverner, je vous le demande ? Et si je dois la gouver-