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LA PLANÈTE MARS.

1o La petite masse de la planète. — Il est raisonnable de supposer que la masse d’une atmosphère est proportionnelle à la masse de la planète elle-même. Les plus grandes planètes doivent avoir les atmosphères les plus étendues. Cette règle paraît exister en effet. Il n’y a pas trace d’atmosphère sur la Lune, pas plus que sur aucun des satellites de notre Système. De plus, il ne paraît pas exister d’atmosphère sur la petite planète Mercure. Mais nous avons l’évidence d’atmosphères étendues sur les grosses planètes Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune.

Or, la masse de Mars n’est que 0,11 de celle de la Terre. L’aire de sa surface n’est que 0,28 de celle de la Terre. Si les atmosphères des deux planètes sont proportionnelles à leurs masses, la quantité d’air au-dessus d’un kilomètre carré sur Mars[1] ne serait que 0,39 de l’atmosphère au-dessus d’un kilomètre carré sur la Terre.

2o La couleur de la planète. — Beaucoup d’observateurs croient que la couleur rouge orangé de Mars est produite par l’action de son atmosphère absorbant les rayons à l’extrémité violette du spectre plus fortement qu’à l’extrémité rouge. On a même dit que la Terre présenterait la même teinte si l’on pouvait la voir du dehors. La couleur rouge du Soleil près de son coucher et la teinte cuivrée de la Lune près de l’horizon sont des cas bien connus de la forte absorption des rayons bleus et violets par l’épaisse couche d’atmosphère à travers laquelle la lumière doit voyager. D’après les comparaisons récentes des couleurs de Mars vu au télescope et de la Lune à l’horizon, telle qu’elle nous apparaît à l’œil nu, M. Campbell a estimé que les couleurs des deux corps célestes approchaient le plus de l’égalité lorsque la planète était au méridien à une altitude de 60°, et quand la Lune était élevée de 3 à 5 degrés au-dessus de l’horizon. À ces altitudes, la lumière lunaire traversait notre atmosphère sur un parcours 9 à 16 fois plus long que la lumière venant de Mars. Par suite, si la teinte orangée de Mars était produite par une atmosphère analogue à la nôtre, cette atmosphère devrait être plusieurs fois plus étendue que la nôtre. Une partie de la lumière solaire réfléchie vers nous par la planète a passé deux fois par son atmosphère, mais une grande partie passerait en partie seulement avant d’avoir été réfléchie. Il paraîtrait ainsi que cette explication de la couleur rouge de la planète demanderait une atmosphère 6 à 12 fois aussi élevée que la nôtre. C’est-à-dire qu’au-dessus de toute surface sur Mars (un kilomètre carré par exemple) il devrait exister de 6 à 12 fois autant de molécules d’atmosphère qu’il y en a au-dessus de la Terre.

Nous allons voir plus loin que tous les autres phénomènes observés sont en désaccord avec cette hypothèse.

  1. La densité de l’atmosphère à la surface de Mars est également digne d’attention, fait remarquer l’auteur. La pesanteur n’est là que 0,38 de la nôtre, et la densité de l’atmosphère à la surface de Mars ne serait que 0,15 de celle à la surface de la Terre, ce qui correspond à une densité inférieure de moitié à celle de notre atmosphère au sommet de l’Himalaya.