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Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/165

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LA PLANÈTE MARS.

différentes distances et positions de la planète sont seules en cause dans la plupart de ces variations[1].

Comme conclusion, il me paraît qu’en ce qui concerne l’atmosphère de la planète, les conditions approchent plus de celles de la Lune que des nôtres.

On le voit, pour l’éminent astronome de l’Observatoire Lick, Mars n’aurait pas d’atmosphère, ou à peu près ; l’éclat du limbe serait dû à la réflexion de la lumière solaire par des montagnes, et les calottes polaires pourraient être formées de cristaux d’acide carbonique. Il y a, nous semble-t-il, quelques objections à ces hypothèses. Si, comme l’admet M. Campbell, Mars est très vieux, ses montagnes doivent être usées, à moins d’admettre qu’il n’y a jamais eu là d’agents atmosphériques un peu dissolvants, ni air, ni pluies, ni vents, ni neiges, ni dégels. D’autre part, le réseau géométrique des canaux rectilignes (quels qu’ils soient) semble indiquer l’absence de chaînes de montagnes quelque peu importantes. D’autre part encore, l’acide carbonique ne se transforme pas en liquide permanent : alors, d’où proviennent les taches foncées contiguës à la rétraction des neiges polaires qui viennent de fondre ? Et puis aussi, s’il y a vraiment là de l’acide carbonique, ce sont ses vapeurs qui se condensent aux pôles. Pourquoi l’analyse spectrale si perfectionnée de M. Campbell n’en décèle-t-elle aucune trace ?

La basse température martienne qui serait causée par sa distance du Soleil paraît à l’auteur difficile à écarter. C’est peut-être ici le lieu de rappeler ce qu’a écrit Tyndall sur les propriétés de certains gaz.

J’ai constaté, écrivait-il, que le gaz oléfiant (gaz des marais) contenu dans un tube de 1m,21 de long absorbe environ 50 pour 100 de la radiation provenant d’une source obscure. Une couche du même gaz de 0m,5 d’épaisseur absorbe 33 pour 100 ; une couche de 2cm,5, 26 pour 100 ; tandis qu’une couche de 0cm,025 n’absorbe que 2 pour 100 de la radiation. Ainsi l’absorption augmente et la quantité transmise diminue à mesure que l’épaisseur de la couche gazeuse augmente. Envisageons, pour un instant, l’effet qui serait produit sur la température de la Terre par une enveloppe de gaz oléfiant qui entourerait notre planète sur une faible épaisseur. Le gaz serait transparent aux rayons solaires et leur permettrait, sans obstacle sensible, de parvenir à la Terre. Ici, toutefois, la chaleur lumineuse du Soleil serait convertie en chaleur terrestre non lumineuse ; au moins 26 pour 100 de cette chaleur serait interceptée par une couche de gaz de 2cm,5 d’épaisseur, et une grande partie arriverait à la Terre. Sous cette

  1. L’auteur se trompe certainement ici, s’il n’admet pas la réalité de certaines variations, telles que celles de la largeur de la mer du Sablier, du lac du Soleil et de son entourage, de l’aspect des canaux, de l’Hespérie, du détroit de Pandore, de l’éclaircissement variable de la ligne médiane du Sinus Sabæus, etc.