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LA PLANÈTE MARS.

cumulus, pas de cumulo-stratus, pas même de cirrus, et, à l’exception des bords de la glace polaire, rien de plus dense qu’un mince voile de stratus, ou cirrostratus, formé de cristaux de glace, cette sorte de nuage ou de brume qui, dans notre atmosphère, produit des halos autour de la Lune et ne cache suffisamment sa face que pour en accroître la beauté, voile de coquetterie. La région du jour, à midi, ainsi que toute la partie avoisinante, seraient rarement soumises à ce faible obscurcissement, parce que la chaleur solaire devrait y maintenir, dans les circonstances ordinaires, toutes les vapeurs qu’elle a soulevées dans un état de transparence absolue.

Il s’ensuit qu’un dépôt de gelée blanche doit continuellement se former dans le tour du disque de la planète, et que le phénomène doit commencer à une certaine distance angulaire du centre du disque, et croître graduellement vers la circonférence. La rotation de la planète devra, cependant, produire une différence considérable dans les résultats de ce dépôt. Tout ce qui se forme sur les côtés est et ouest de la planète doit être dégelé et évaporé par le Soleil du lendemain, de sorte que l’accumulation maximum dans ces deux directions ne saurait être que celle du dépôt d’une seule nuit ; mais, au nord et au sud, il y aura une accumulation continuelle qui ne sera dégelée que jusqu’à une certaine latitude par la présentation estivale annuelle de chaque hémisphère au Soleil.

L’observateur terrestre devrait ainsi apercevoir, sur le cercle de brume du bord, une augmentation d’éclat due à ce dépôt quotidien de gelée blanche. Cet éclat devrait être faible aux limbes est et ouest, parce qu’il serait produit par le léger dépôt de rosée gelée d’une nuit seulement ; mais, vers les régions polaires, l’accumulation devrait être considérable et très marquée. Elle devrait former une masse circulaire dont le contour reculerait et avancerait avec le retour annuel des pôles des deux hémisphères vers le Soleil. La circonférence de cette tache devrait être limitée par une zone de brouillard ou de brume produite par la condensation qui doit toujours s’effectuer lorsque l’air chauffé, et chargé de vapeurs, des régions méridiennes, entre dans la région de la gelée et de la précipitation. Cette zone devrait être plus dense et plus définie que la zone correspondante des limites est et ouest de la ligne isotherme de 0° C., en vertu de ce que la brusque variation de température est nécessairement plus grande à la ligne limite nord et sud, entre l’été et l’hiver, qu’aux limites est et ouest du jour et de la nuit.

La distance entre les limites moyennes des taches nord et sud de gelée blanche accumulée peut être prise comme une mesurée approximative du diamètre du cercle au-dessus duquel les rayons solaires sont capables d’élever la température du jour au-dessus du point de congélation. La circonférence de ce cercle formerait la ligne quotidienne, isotherme, fugitive de 0° C. Cette distance angulaire permettrait ainsi aux observateurs de déterminer les limites où il faudrait chercher le commencement du dépôt de gelée blanche le soir et la ligne du dégel matinal. Cette dernière devrait être plus tranchée et mieux définie que la précédente.