Aller au contenu

Page:Flammarion - La Planète Mars et ses conditions d’habitabilité, tome 2, 1909.djvu/170

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
163
GLACIERS POLAIRES. MORAINES. AVALANCHES.

Aux pôles, et à une certaine distance autour, la quantité annuelle de dépôt doit dépasser la quantité annuelle de dégel et d’évaporation ; de sorte qu’une montagne glaciale gigantesque devrait s’y accumuler, avec un accroissement continuel et une tendance à prendre la forme conique. Comme le dépôt de cristaux de glace commencerait avant le coucher du Soleil et atteindrait probablement son maximum, ou même serait terminé, avant la nuit polaire (par suite du peu de profondeur de l’atmosphère de cette planète et du rapide rayonnement qui en résulte), la construction de cette montagne polaire devrait être très irrégulière. Au milieu de l’hiver, les pentes inférieures de ses talus recevraient le gros des additions.

Avec l’avance de la ligne du jour, l’élévation de la zone de dépôt maximum croîtrait jusqu’à ce qu’elle eût atteint le sommet. Cette coïncidence du plus grand dépôt avec le sommet aurait lieu deux fois par an, avant et après le milieu de l’été. En été, les seules régions recevant quelque dépôt seraient le sommet et son voisinage immédiat, tandis qu’en même temps les côtés dégèleraient par la puissante action du soleil continuel de l’unique et long jour arctique. À cette époque, les talus de la montagne polaire seraient déchirés par des torrents de glace et d’eau gigantesques : avalanches, glaciers et torrents.

La tendance de cet accroissement estival du sommet et de ce dépérissement des côtés serait d’amener des catastrophes périodiques, par la chute, plus où moins complète, du cône montagneux sous forme d’avalanche colossale. Pareille catastrophe serait indiquée avec le plus d’évidence à l’observateur terrestre, par une extension irrégulière et temporaire des blancheurs polaires, où les débris d’une grande avalanche joncheraient les régions avoisinant le contour général du glacier, c’est-à-dire la zone du dégel estival. Si la glace possède la viscosité que lui a attribuée le professeur Forbes, cette tendance à la chute soudaine du pic polaire serait en grande partie contre-balancée par le grossissement et l’avance de la base ; mais, si les phénomènes attribués à la viscosité ne sont que des produits de regel, la tendance supérieure de l’accroissement polaire ne serait que faiblement contrecarrée par cette action, et les catastrophes doivent être d’une grandeur immense.

Les rochers à la base de ce grand pic de glace doivent présenter sur une échelle grandiose tous les effets d’érosion glaciaire. Ils doivent être polis, évidés et creusés de façon à former de grandes vallées circulaires entourant chacun des pôles de la planète ; et, au delà de ces sillons circumpolaires, vers les cercles arctiques ou antarctiques de Mars, il doit exister des bourrelets correspondants de moraine consistant en matériaux que le glacier polaire avançant a creusés et poussés devant lui. Cette poussée extérieure perpétuelle du grand glacier polaire, cette érosion continue des régions polaires de la planète toujours à l’œuvre depuis sa consolidation d’origine, doivent avoir produit une modification sensible de la forme du globe de Mars en l’aplatissant dans le voisinage immédiat de ses pôles pour le surélever dans les régions des moraines entourantes.