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CORRESPONDANCE

469. À LOUIS BOUILHET.
Croisset, 5 août 1854.

Laxatifs, purgatifs, dérivatifs, sangsues, fièvre, foirade, trois nuits passées sans sommeil, embêtement gigantesque du bourgeois, etc., etc. Voilà ma semaine, mon cher monsieur. Depuis samedi soir, je n’ai rien mangé et je ne fais que commencer à pouvoir parler. Bref, j’ai été pris samedi soir d’une telle inflammation à la langue que j’ai cru qu’elle se transmutait en celle d’ung bœuf. Elle me sortait hors la gueule que j’étais obligé de tenir ouverte. J’ai durement souffert ! Enfin depuis hier ça va mieux, grâce à des sangsues et à de la glace.

Au milieu de mes douleurs physiques et comme facétie pour m’en distraire, il m’est tombé une lettre éperdue de Paris. La ***[1] perdait la tête. Tout était découvert, sa position compromise, etc. Il fallait que j’écrivisse, il fallait que je… etc. Et tout cela à un pauvre bonhomme qui bavachait, qui suait, qui empestait et qui, pour essayer de dormir un peu, se tenait debout, la nuit, la tête appuyée contre la croisée à cause de la véhémente chaleur interne qui lui ardait le sang !

J’ai lu cinq feuilletons du roman de Champfleury[2]. Franchement cela n’est pas effrayant. Il y a parité d’intentions plutôt que de sujet et de ca-

  1. Probablement Louise Colet.
  2. Madame d’Aigrizelles.