Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/319

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La vallée, ou plutôt le précipice, est encore plus beau que celui d’El-Habi-Moura, en ce que c’est plus haut, plus taillé et que ça a plus de tournure et de façon. Des pigeons volent d’un côté à l’autre, partant des anfractuosités où ils logent.

Le couvent bâti sur les rochers et à même eux, de tous les côtés, en haut, en bas, il y a des précipices dans l’intérieur ; c’est là, comme position, le vrai couvent de Palestine. On monte notre lettre dans un panier. — Grand divan où nous logeons sur des tapis, une lampe de cuivre au plafond. — Le moine qui nous sert, bonhomme à barbe blanche, voûté.

Dans l’église, tableaux de même style que dans toutes les églises grecques, c’est un art à part. Sur la porte d’entrée, tableau représentant le Jugement dernier : l’enfer est dans la gueule d’un monstre ; les bienheureux, en foule tassée, la tête entourée du disque de gloire, entrent à la Jérusalem céleste ; les tombes s’ouvrent, Jonas sur sa bête, deux Turcs au pied d’un prophète, etc. ; c’est très amusant. Dans un autre tableau, les saints sont représentés comme des santons, ou plutôt comme des brahmanes, longs, maigres, avec des barbes prodigieuses qui leur tombent jusqu’aux pieds. Trait fréquent dans les tableaux religieux grecs : Jean-Baptiste toujours avec des ailes, l’air dur, féroce même ; la Vierge avec Jésus. — Jésus, les bras ouverts, l’embrasse comme un petit enfant. Plusieurs tableaux, dons faits par la Russie.

On nous montre le tombeau de Saint-Saba, à travers une grille ; plusieurs crânes, qui sont ceux des moines massacrés par les Bédouins ; on nous montre même l’horloge. — Dans le jardin, pigeon