Page:Fougeret de Monbron - Le Canapé couleur de feu.djvu/110

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de faire son coup, fait faire de fausses clefs et donne avis à nos belles du jour qu’elles devaient se tenir prêtes. Il se charge de deux sacs remplis d’or, d’environ huit mille francs, les attend au sortir du temple, un soir, leur fait civilité, et sous prétexte de les ramener au logis, sort avec elles de ville et loue une commodité pour Bâle.

Tout ce qui se passa là de remarquable fut qu’elles se défirent de leur conducteur après lui avoir enlevé son argent ; que la baronne se vêtit en garçon le plus proprement qu’elle put, et qu’elles se mirent toutes deux ensemble sur le Rhin pour descendre à Strasbourg, où elles avaient ouï dire qu’un jeune prince faisait sa maison. Partout où elles logèrent, elles passèrent pour frère et sœur, et en cette qualité occupaient toujours deux lits.

Dès qu’elles eurent connu un peu la ville, elles convinrent de la manière dont elles devaient parler de leur naissance, de leur éducation, de l’occasion de leur fuite et des raisons de leur arrivée à Strasbourg. Elles résolurent de dire qu’étant nées nobles, elles auraient été privées de leur père et mère dans leur bas âge et laissées à la conduite et sous la dépendance d’un tuteur, homme avaricieux, barbare et insupportable, qui