Page:Fourier - Sur l'esprit irréligieux des modernes et dernières analogies 1850.djvu/22

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consentirait pas à passer une semaine dans un séjour aussi ennuyeux. Que s’y trouve-t-il ? Un escalier tout en massif de diamants ! Cela est dépourvu de goût ; si l’on met la substance la plus précieuse à l’escalier, aux marches de l’autel, de quoi ornera-t-on l’autel ?

Si le paradis chrétien change de décoration au gré de chaque narrateur, l’enfer au contraire ne varie jamais. Ses démons y sont toujours également acharnés et ses chaudières toujours au même degré d’ébullition. C’eût été un grand moyen d’appui pour l’esprit religieux que la disproportion entre les peines. Une peccadille d’amour sera punie éternellement des mêmes supplices que le parricide. Robespierre et Marat ne seront pas plus brûlés que Daphnis et Chloé, qui ont innocemment cédé à l’amour. Où est dans cet arrêt la justice distributive qui est 3e attribut de Dieu, et comment ceux qui le peignent capable de tant de fureurs et d’iniquités peuvent-ils s’attendre à le faire aimer ?

Que dans des siècles d’obscurité, chez des peuples à demi-barbares où l’on était ignorant sur les leviers de l’honneur et autres ressorts qui conduisent les peuples et corporations en pays policé, on ait fait usage du dogme de l’enfer, cela n’est pas surprenant, puisque les peuples barbares ne sont régis que par la violence et les châtiments ; j’examinerai au chapitre de la diffraction passionnelle jusqu’à quel point ce dogme peut être utile chez les barbares et sauvages ; mais est-il pardonnable à des siècles éclairés d’en faire usage ?

Qu’une religion fondée par un cannibale comme Odin s’étaie du système de terreur, cela est peu étonnant ; elle suit en cela l’esprit de son sanguinaire auteur ; mais n’est-il pas calomnieux de prêcher le même dogme au nom de Jésus-Christ, modèle des âmes généreuses et libérales, Jésus, qui en toute occasion protégeait le faible et l’opprimé, Jésus, qui défendait les femmes contre leurs injustes époux et contre le sexe masculin tout entier, en gourmandant collectivement les dénonciateurs de la femme adultère, et les accusant d’être coupables avant elle. Jésus voulait, comme Henri IV, que le peuple vécût bien et goûtât les joies de ce monde ; aussi changea-t-il l’eau en vin aux noces de Cana. — Enfin Jésus est en toute occasion l’ami des bonnes gens. Il ne poursuivait que les gens méprisables et dangereux, comme les sangsues publiques, les pharisiens et sadducéens, emblème de nos hypocrites et de nos sophistes, les voleurs et les marchands qu’il battait de verges, en quoi il était bien plus sensé que le siècle moderne qui encense leurs fourberies et pirateries. On verra au traité des Crimes du commerce que Jésus, en battant les marchands, donnait aux civilisés la plus judicieuse leçon. Si l’on avait suivi avec eux le même système de répression, l’on aurait depuis long-temps découvert la théorie de concurrence véridique et doublé le revenu des princes tout en augmentant celui des peuples.