Page:Fournier - Souvenirs poétiques de l’école romantique, 1880.djvu/487

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Souviens-toi, Roncevaux, du nom de Charleniague !
Navarre, souviens-toi que l’on t’appelle Espagne.

Déserts ! landes ! sierras ! gorges et défilés !
Grottes ! lacs ! mers ! forêts ! toits et murs écroulés !
Vipères du chemin à la langue acérée !
Loups cerviers de Biscaye à la gueule ulcérée !
Hidalgos ! guérillas ! saints d’Espagne et du Nord !
San lago ! terre et cieux ! criez tous : Mort ! mort ! mort !

Ah ! quand il entendit, dans sa tombe royale,
Le vieux nom d’Aragon qui soulevait la dalle.
Le roi Sébastien s’est levé du cercueil.
Il a pris son épce et son manteau de deuil.
Pâle, il a sur son front renoué ses années,
Et, pâle, il est monté sur ses tours ruinées.

Ah ! quand il entendit le vieux nom d’Aragon
Qui brisait des tombeaux les portes sur leur gond,
L’évèque de Grenade a quitté son suaire.
11 est sorti debout de sa propre poussière.
Sans guide il a suivi le chemin des Sierras,
Et, pâle, il est monté sur les Alpuxarras.

Sur la cime il a dit les saintes litanies ;
Et l’Alhambra se tait sous ses dalles bénies.
Et Valence, et Médine, et Tolède à genoux
Ont redit après lui : Grands saints, priez pour nous !
Vierge des assiégés, soyez-moi ma barrière !
Tour de ma délivrance, exhaussez ma bannière !

San Jorge ! prêtez-nous votre casque divin.
San Miguel ! votre épée et son tranchant d’airain.
San Diego ! préparez le festin du carnage.
San Bartolomeo ! gaixlez mon héritage.
San Fernando ! soyez la tour de mon beffroi.
San Pablo ! conduisez l’épouvante après moi.